Trois questions à Eva Aliacar, Directrice du Parc de la Vanoise

Publié par Victoria Karel - -
Depuis 2 ans, Éva Aliacar a pris la tête du Parc National de la Vanoise situé entre les hautes vallées de la Maurienne et de la Tarentaise. C'est la deuxième fois depuis sa création en 1963 que cet espace naturel exceptionnel bénéficie d'une direction féminineInterview d'une femme audacieuse qui aime mener la barque avec calme et main dans la main avec les autres. 


Mont Blanc Live : Comment en êtes-vous arrivée à diriger le Parc de la Vanoise ? Et quelles sont les bases pour mener à bien vos missions ?


Éva Aliacar : J'ai fait des études d'ingénieur agronome et en économie environnementale aux Pays-Bas avant de continuer par l'école des Ponts, des Eaux et des Forêts pour obtenir un diplôme en planification urbanisme. J'ai donc ce triple regards : agriculture, économie et aménagement du territoire.  J'ai ensuite exercé au Ministère de l'Écologie et sur le littoral. Ce rôle de directrice du Parc de la Vanoise que j'ai endossé en 2016 était donc une première pour moi. L'objectif est de relancer le territoire du parc de la Vanoise à la fois en suscitant l'envie du public de le découvrir et en générant la fierté des équipes d'en faire partie et d'y travailler.




Je suis pour une dynamique de travail collective



Pour moi, il faut travailler ensemble, on ne fait rien tout seul. Je suis pour une dynamique de travail collective. Ce projet de valorisation doit se faire avec les gens, remettre l'humain au centre de celui-ci. Il faut retisser les liens, apprendre à se connaître pour bien travailler ensemble. En tant que directrice, selon moi, il faut toujours rester humble mais déterminée dans ses objectifs. Il faut oser faire différemment, expérimenter et accepter l'erreur. Ce poste nécessite d'être en mesure de proposer des actions, tout en étant réactif et à l'écoute en interne comme en externe. La communication tient une place clé... mettre les sujets sur la table, prendre les problèmes et les résoudre un par un. C'est un métier difficile où l'indulgence des autres est importante.



Mont Blanc Live : Quel est l'enjeu du Parc de la Vanoise ?


Éva Aliacar : La préservation est notre principale préoccupation. Notre parc floral compte 1700 espèces différentes dont le chardon bleu emblématique, le lycopode alpin et l'aliné boréa. Du côté de la faune, il y a le Gypaète barbu, un aigle, le Tetra Lyre qui est une poule noire, ou encore le Lagopède, une perdrix. ce sont des espèces dits de l'Âge de glace ou artico-alpin. À l'époque, il y avait un grand glacier à très haute altitude. Le Tetra est particulièrement protégé, il ne supporte pas le changement climatique et est en forte diminution. Il est également sensible l'hiver. Cette espèce a pour habitude de se créer un igloo qui peut être perturbé par le passage des randonneurs, et elle perd donc de la chaleur. Nous veillons aussi sur la population de chamois qui sont plus de 4000, et de bouquetins dont le comptage est réalisé régulièrement par nos guides.



Avec mon équipe, notre travail consiste aussi à approfondir nos recherches et nos connaissances de l'écosystème, à faire de la pédagogie environnementale et à accompagner, notamment les 25 communes présentes sur le territoire du Parc de la Vanoise, vers le développement durable. Notre rôle est de protéger ce patrimoine naturel et culturel français. Il ne faut pas oublier que nous sommes des passeurs, nous ne sommes pas chez nous. Ceux qui œuvrent au sein du Parc de la Vanoise sont passionnés et sont autant l'équipe administrative que les botanistes, les experts de la faune sauvage comme ceux en charge de la bio-statistique, les techniciens et les chargés de mission. Nous avons aussi des gardiens, notre parc disposant de 16 refuges.



Mont Blanc Live : Quelles sont les missions d'un gardien de refuge sur un territoire aussi merveilleux que le Parc de la Vanoise ?


Éva Aliacar : Le métier de gardien de refuge demande beaucoup d'implication 24h sur 24... Ils vivent dans les refuges avec leur famille. Il faut aimer être en site isolé, savoir cuisiner et bricoler, et être en forme. Ils accueillent les randonneurs et sont là pour les conseiller, apporter leur connaissance du territoire et les sensibiliser à l'environnement et à sa richesse qu'il faut préserver. Nos précédents gardiens sont restés près de 20 ans dans les refuges. Aujourd'hui, il y a eu une grosse mutation. Les plus jeunes prennent la relève. Et il y a de plus en plus de femmes, la moitié de nos effectifs de gardiens sont des femmes. Ils viennent aussi en couple, la gestion à deux de ce type d'endroit est beaucoup plus simple. Et certain.es viennent avec toute leur famille dont leurs enfants qui grandissent dans le refuge mais aussi à l'extérieur, qui ne présente pas de danger. Ils sont au contact de la nature quotidiennement.


Le refuge du Palet est situé à plus de 2500 m d'altitude au coeur du Parc de la Vanoise
Le métier de gardien de refuge est aujourd'hui en pleine mutation.

Le rôle de gardien va au-delà du simple gardiennage et de l'obligation d'offrir le gîte. Ils peuvent désormais vendre des prestations touristiques qui est facilitée par l'accès à internet. C'est une manière d'intégrer les gardiens dans la vie économique du parc de la Vanoise. Mais il y a surtout la cuisine, une mission qui tient une grande place dans leur vie. Nos gardiens sont exigeants, ils proposent uniquement des produits locaux et bio. Nous sommes soucieux de faire travailler au maximum les fromagers et les éleveurs du coin. Quant à l'accueil des visiteurs, il se fait dès 15 ou 16h. Ce tête à tête avec un gardien de refuge est un moment d'échange unique à saisir. On sent que les randonneurs de passage vivent en pleine présence une fois en montagne et le seuil de la porte du refuge franchi. Et nos gardiens savent les émerveiller avec les richesses dont regorgent notre parc. Ils vont aussi les sensibiliser à comment faire attention à l'eau ou ne pas nuire aux marmottes. Et ils vont leur rappeler sans les culpabiliser, qu'il faut être reconnaissant d'"avoir"...




Notre rôle est de protéger ce patrimoine naturel. Nous sommes des passeurs, nous ne sommes pas chez nous 



 
INFO + : Eva Aliacar était aussi présente sur le plateau de MB Live TV.
Regardez le replay  http://bit.ly/2IAT5rY 

 

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