La (difficile) reconversion des sportifs de haut niveau

Publié par Martin Reyt - -
Ils sont talentueux, souvent extrêmement doués dans leur discipline et pourtant… Les sportifs de haut niveau peinent parfois à assurer leur reconversion. Mener une carrière de front avec un objectif professionnel bien défini n’est pas chose aisée. C’est pourtant un enjeu majeur quand on sait que la carrière d’un sportif dure seulement entre 10 et 15 ans pour les meilleurs… Heureusement il existe aujourd’hui des solutions pour réussir sa reconversion. Explications.

 

Une vie pas comme les autres


Ils crèvent l’écran et font la une des journaux quand ils gagnent mais sont vite oubliés quand ils perdent ou arrêtent leur carrière… (Lire aussi le portrait de Mathéo Jacquemoud à ce sujet) Les sportifs de haut niveau vivent une drôle de vie, une vie faite de passions, joies, douleurs, sacrifices… C’est un double jeu entre la joie des victoires et les moments de doute en cas de défaites ou de blessures.


La vie d’un sportif de haut niveau ne s’explique pas, elle se vit. Avec les entraînements, les déplacements, les compétitions, il reste souvent peu de place pour évoquer l’après-carrière. C’est sans compter un environnement très stérile dans lequel l’athlète se retrouve. Entre entraîneurs, fédération et groupe d’entrainement, l’athlète est pris dans une spirale dans laquelle il est difficile de s’extraire. La priorité est avant tout axée sur la performance sportive avec de doux rêves de médailles olympiques… Alors dans ce contexte-là, comment imaginer un instant la vie en entreprise ? Evidemment certains y arrivent et tant mieux mais, à côté, beaucoup échouent…



La joie de la victoire fait partie des moments forts de la vie d'un sportif

Double mixte veut accompagner les sportifs… Et les entreprises !


C’est en tout cas le constat de Paul Henri De Le Rue, champion olympique de snowboard à Soshi en 2014 et co-fondateur de la startup Double Mixte. « Tout dépend les disciplines mais en ski alpin par exemple, avec les déplacements importants les athlètes ne décrochent pas vraiment de la compétition. » Mais il reconnait tout de même : « Une carrière sportive ce n’est pas toute une vie. J’ai eu la chance d’intégrer la SNCF pendant ma carrière. Certes, c’était une dépense d’énergie conséquente avec 50 jours de travail par an mais ça m’a donné une vision de l’entreprise indispensable pour préparer mon après-carrière. J’ai commencé les conférences alors que j’étais encore athlète. Lorsque que j’ai senti que cette activité me prenait plus d’énergie que le snowboard, je me suis dit qu’il était temps pour moi d’arrêter ma carrière. La transition a donc été assez facile pour moi. »



Une carrière sportive ce n’est pas toute une vie

Commence alors une nouvelle vie pour « Polo » qui est contacté en 2016 par Jean Philippe Demaël, ancien dirigeant de Somfy, pour une nouvelle aventure entrepreneuriale avec Adeline Perrissin (ancienne marketing manager Somfy). Ils créent ensemble Double Mixte avec la volonté d’aider les sportifs à préparer leur avenir professionnel et, parallèlement, évangéliser les entreprises aux valeurs du sports. « Nous sommes parti du constat qu’il y a un énorme gâchis d’athlètes qui n’arrivent pas à mettre en avant leur potentiel auprès des entreprises. Par contre, les sportifs de haut niveau ont cette capacité à concentrer un maximum d’énergie pour atteindre un objectif précis. L’idée est d’arriver à retranscrire ces qualités en entreprise. »



De gauche à droite sur la photo : Adeline Perrissin, Jean Philippe Demaël, Mirabelle Thovex (snowboardeuse freestyle (pipe) en lice pour les prochains JO)
Polo De Le Rue, Julie Navillod (freerideuse ski, en pleine transition)

Du côté entreprise, les intérêts sont nombreux à embaucher un sportif de haut niveau. « Nous essayons de travailler sur du moyen terme. La première démarche est de cerner les motivations et envies de l’athlète avec un regard bienveillant pour définir son projet de carrière. Dans un deuxième temps, nous mettons en relation l’athlète avec un dirigeant pour qu’il effectue des immersions régulières en entreprise. Cet échange est très riche d’enseignements et de manière réciproque pour le sportif et le chef d’entreprise. Enfin, dans une troisième étape, Double Mixte s’attache à accompagner l’athlète pendant toute la durée de sa reconversion. C’est vraiment très important d’avoir ce suivi pour la réussite du projet », explique le co-fondateur.



C’est vraiment très important d’avoir un suivi pour la réussite du projet

La jeune startup, lancée en 2017, compte déjà une vingtaine de sportifs et d’entreprises dans son portefeuille client parmi lesquels : Gauthier De Tessières, Ophélie David, Laëtitia Le Corguillé, Christophe Lemaître côté athlète, et Mobalpa ou encore Greenweez côté entreprise… pour ne citer qu’eux. Double Mixte réunit régulièrement ce collectif lors de conférences "Clubs House" pour favoriser les échanges entre l'entreprise et le monde du sport. La prochaine aura lieu le 23 janvier, au Semnoz à côté d’Annecy, avec l’intervention de Renaud Longuèvre, entraîneur d’athlétisme et coach d’un certain Ladji Doucouré, champion du monde du 110 m haies en 2005… À terme, Double Mixte prévoit une couverture sur l’ensemble du territoire avec l’ouverture d’antennes dans d’autres villes pour une relation personnalisée au plus près des sportifs et du réseau d’entreprises locales.


 

Le CESNI, l’école des champions


S’il y a bien une école où les champions ont la porte grande ouverte, c’est bien le CESNI à Chambéry ! Créée en 1992, suite aux Jeux Olympiques d’Albertville, le CESNI a pour vocation de former les futurs professionnels dans le commerce du sport. L’école accueille chaque année près de 400 étudiants dans 3 filières différentes : ski étude, sport étude et commerce du sport. Grâce à un réseau de proximité important d’entreprises de la filière du sport outdoor, 80% des étudiants des formations professionnalisantes trouvent un emploi après leur formation.



Les cyclistes enchaînent les déplacement d'où l'intérêt d'une formation en e-learning

Les formations se déroulent soit en présentiel avec des horaires aménagés pour les athlètes de niveau régional voire national, ou sous forme d’e-learning si l’athlète atteint un niveau international. « Les formation e-learning sont destinées à des cas particuliers où l’athlète est amené à beaucoup se déplacer. Cela demande une prise en charge particulière et une motivation importante de la part de l’intéressé », précise Franck Gorry, responsable du CESNI. « C’est intéressant dans le cas d’une carrière internationale où les sportifs peuvent changer de clubs tous les 2-3 ans par exemple. Cela leur permet de garder un suivi dans leur formation et l'obtention de leur diplôme. »



Nous accueillons des sportifs en reconversion qui veulent valider certaines compétences

Parmi les athlètes passés par les rangs du CESNI, on retrouve des champions comme Melvyn Richardson et Guillaume Joli en handball, Alexis Vuillermoz et Jordan Sarrou en cyclisme ou encore Léo Slemett et Jean Pierre Vidal en ski. Plus récemment, Marion Rolland, championne du monde de descente en 2013, déjà titulaire d’un Bac+2, a décidé de reprendre ses études au CESNI pour réintégrer le monde professionnel suite à l’arrêt de sa carrière sportive. « Nous accueillons des sportifs en reconversion qui veulent valider certaines compétences. C’est le cas de Marion qui effectue une formation à Bac+3 en alternance chez Rossignol, son ancien sponsor », explique Franck Gorry. Marion Rolland est d'ailleurs suivie par Double Mixte dans le cadre de sa reconversion.


Quant à l’accompagnement des sportifs pendant leur scolarité, Franck Gorry reconnait qu’il y a une différence entre les sports collectifs et les sports individuels. « Certains clubs et centres de formation assurent un suivi scolaire très régulier des sportifs avec des obligations de résultats. C’est beaucoup plus rare pour les athlètes pratiquant un sport individuel. Ils se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes avec beaucoup plus d’autonomie au niveau scolaire. » La vocation de Double Mixte est certainement là aussi !

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