#Inside Romain Desgranges « L’escalade est un jeu sans fin »

Publié par Martin Reyt - -
Romain Desgranges, 35 ans, est un taulier de l’équipe de France d’escalade. Après plus de 10 ans en équipe nationale, le chamoniard d’adoption a connu le sommet de sa carrière l’an passé en glanant le classement général de la Coupe du Monde d’escalade dans la catégorie difficulté. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce sportif de haut niveau discret mais laborieux. Une rencontre passionnante faite lors d’un entrainement  à Chamonix.

Une vie en escalade


Romain Desgranges n’a pas connu le succès de suite et il lui a fallu attendre ses 35 ans avant de goûter à son premier sacre mondial en 2017. « J’ai attaqué l’escalade à 13/14 ans en UNSS au collège avant de rejoindre le Sport-Étude au lycée à Chamonix. Quand je suis arrivé ici j’étais bénévole avec d’autres jeunes sur la Coupe du Monde d’escalade. J’assurais les grimpeurs, je portais leurs sacs… Dans ma tête je me disais « c’est ça que je veux faire ! , je veux grimper sur la place du Mont Blanc ! » C’était un rêve de gosse qui m’anime toujours d'ailleurs : m’entrainer, porter le maillot de l’équipe de France et grimper aux quatre coins du monde. »




Grimper sur la place du Mont Blanc, c’était un rêve de gosse



Depuis, il n’a plus quitté la capitale de l’alpinisme et son entraineur depuis toujours, Fabrice Judenne. Des années de labeur et une vie construite autour de l’escalade Avec un diplôme d’entraineur en poche, il travaille en parallèle au Club des Sports de Chamonix où il encadre toutes les semaines les plus jeunes.


Les résultats ne sont pas tout de suite venus mais sa passion pour ce sport l’a conduit à poursuivre dans cette voie à force de travailler inlassablement... Il ajoute : « Je ne pense pas avoir de qualités particulières pour l’escalade. Par contre, je m’entraine mille fois plus que tout le monde. J’arrive donc à compenser cela par un travail acharné qui finit par payer. »



Des heures d'entrainement sur ces parois artificielles, c'est le prix à payer pour faire partie des meilleurs

 

En 10 ans de haut niveau Romain n’a quasiment pas connu de blessures. Très à l’écoute de son corps, Romain reste attentif aux signaux de son corps et n’hésite pas à faire appel à son kiné en cas de douleur anormale. Très peu d’excès non plus, cette longévité au plus haut niveau impose une hygiène de vie rigoureuse. Mais pas question de régime pour autant pour encaisser les 8 à 12 séances par semaine souvent seul, face à lui-même, au pied du mur. 95% des séances se déroulent dans le gymnase de l’ENSA à Chamonix où la salle a été aménagée spécialement pour le vainqueur de la Coupe du Monde 2017. Présent régulièrement à ses côtés, son entraineur, Fabrice Judenne, garde toujours un œil sur son poulain. « C’est surtout un regard extérieur sur sa planification. Romain est tellement précis dans son entrainement qu’il n’y a pas grand-chose à redire. Mais on se connaît tellement bien, on a un langage très précis tous les deux qu’on arrive à travailler maintenant sur des détails. » reconnaît l’homme de l’ombre.



Romain Desgranges avec son entraineur de toujours, Fabrice Judenne

Mais comment continuer à progresser après 10 ans d’expérience au plus haut niveau ?


« Il y a toujours à apprendre. La progression passe pas l’observation de ses adversaires, des voies d’escalade... Les prises évoluent aussi. C’est à nous de s’adapter à ces nouvelles contraintes pour travailler en amont. » explique Fabrice Judenne avant de glisser : « Il aurait dû gagner la Coupe du Monde depuis longtemps. Il n’était pas plus fort l’an passé. »


 
Il y a toujours à apprendre même après 10 ans de pratique au plus haut niveau 

2017 l'année du déclic ?


Vainqueur du classement général de Coupe du Monde de difficulté 2017, Romain Desgranges a connu la consécration l'an passé après plus de 10  années en équipe de France. Pourquoi ce titre n'est-il pas arrivé plus tôt ? Toujours très humble, Romain explique : « Il n’y a pas eu de déclic pour moi. C’est vraiment dans la continuité de tous ce qui a été fait jusqu’à présent à savoir de l’entrainement, de l’entrainement et encore de l’entrainement… En 2015, je gagnais ma première Coupe du Monde, j’avais fait quelques podiums avant. L’année d’après, j’en gagnais une deuxième et je faisais 3ème du classement général… Et l’an passé j’en gagne trois et je gagne le général. C’est plus dans la continuité, alors forcément, c’est plus marquant quand tu gagnes le graal. »




Il n’y a pas eu de déclic pour moi



Cette année, l’objectif principal sera les championnats du monde à Innsbruck en Autriche du 6 au 16 septembre prochain, le seul titre qui manque à son palmarès !  Contrairement à la coupe du Monde qui se déroule chaque année, les championnats du monde ont lieu seulement tous les deux ans en alternance avec les championnats d’Europe. Une "dernière case à cocher" avant de se tourner peut-être vers le rêve olympique…




Une dernière case à cocher : les championnats du Monde !

Les Jeux Olympiques en point de mire ?


« J’y pense sans y penser » répond l’intéressé. « L’épreuve des JO est un combiné des trois épreuves à savoir : vitesse, difficulté et bloc. Ma spécialité étant la difficulté, j’ai encore beaucoup de travail pour être performant dans les deux autres disciplines. Si je m’étais mis tout de suite dans l’optique des Jeux, j’aurais certainement perdu mon niveau en difficulté. Je n’ai pas voulu tout chambouler dans mon entrainement et me disperser alors que je commençais à gagner mes premières coupes du Monde après 10 années de pratique. Il me reste une dernière case à cocher : les championnats du monde. Après on verra. » Mais, même à 35 ans passé, Romain n’a pas dit son dernier mot et compte bien encore tutoyer les sommets du haut niveau tant que la passion et les résultats seront là.


 
S'entraîner, s'entraîner et encore s'entraîner...

L’escalade comme un jeu


Mais comment garder la motivation intacte après 20 ans à gravir les murs d'escalade ? Quelle est cette source de motivation intarissable qui le pousse à se lever tous les matins pour aller s’entraîner à la salle souvent seul dans cet immense gymnase… « Il y a des milliards de possibilités. Le jeu est différent chaque jour et il faut trouver la solution à chaque fois. C’est un peu comme une énigme à résoudre : comment je peux faire pour prendre cette prise ? Comment je peux faire pour aller à celle-ci ?...  C’est un jeu sans fin pour moi. Et si jamais je commence à me lasser de l’escalade en salle, il me reste tous les rochers du monde entier à escalader… (rires) »




Le jeu est différent chaque jour
et il faut trouver la solution à chaque fois.



Ton spot outdoor ?


« J’ai eu un petit faible pour Joshua Tree, un parc national dans le sud-est de la Californie (US). J’ai eu l’occasion d’y aller plusieurs fois et d’y retourner pour le tournage d’un film, So High où le but du jeu était de grimper au sommet des 10 Highballs, définis par John Bachar (ndlr : célèbre alpiniste connu pour ses ascensions en solo intégral et malheureusement décédé en 2009) comme les 10 blocs rocheux les plus hauts et les plus difficiles du parc . »


 

Voir le Film So High :


 

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