L’industrie du textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde après l’industrie pétrolière. Le textile est le 3ème secteur consommateur d’eau dans le monde, après la culture de blé et de riz. Face à ces tristes constats, certains entrepreneurs ont décidé d’agir ! Saola Shoes, MeroMero ou encore Hopaal… Ces startups ont une ambition commune : changer la manière de concevoir et produire leurs produits textiles.
L’éco-conception en question
Traditionnellement on fabrique des produits pour les utiliser pendant un certain temps puis on finit par les jeter usés ou démodés… Pour finir, dans le meilleur des cas, dans une déchèterie ou au pire, dans nos montagnes ou océans ! Une réalité qui, aujourd’hui, affecte tous les secteurs et dont l’industrie textile n’échappe pas à la règle. Mais les conséquences écologiques d’un tel cycle de vie dit "linéaire" des produits sont désastreuses : pollution des sols, des nappes phréatiques, de l’air… D’autant plus que la fabrication nécessite parfois l’utilisation de produits toxiques.
Depuis quelques dizaines d’années déjà, on parle du recyclage du verre, du carton… L’idée est de donner une seconde vie aux produits. On parle alors d’économie circulaire. Dans le même temps, il s’agit aussi de repenser toutes les étapes du cycle de vie d’un produit pour en réduire l’empreinte environnementale.
Quid de l’industrie textile ?
Considérée comme la deuxième industrie la plus pollueuse, le secteur du textile connait aujourd’hui une mutation sans précédent. Les mentalités évoluent pour se tourner davantage vers cette économie circulaire grâce à l’utilisation de matériaux recyclés, un design éco-responsable, la collecte de vêtements... Parallèlement, les jeunes générations, en particulier les millenials, aspirent à une consommation plus responsable, plus éthique.
Partant de ce constat, trois startups ont décidé d’agir : Saola Shoes, MeroMero ou encore Hopaal. Rencontre avec leurs fondateurs sur les choix et leurs motivations à concevoir des produits éco-responsables.
Saola Shoes, des chaussures éco-conçues
Après 17 ans passés dans l’industrie outdoor aux côtés de la marque
Lafuma, Guillaume Linossier, a eu un déclic en découvrant les pratiques de fabrication dans les usines en Asie. «
J’ai été marqué par le décalage entre le discours marketing et les faits. Pour moi, amoureux de sports outdoor et de nature, ce n’était pas concevable. » raconte l’entrepreneur.
« J’ai créé Saola en 2017, une marque qui se positionne dans l’univers surf / skate / lifestyle, là où d’autres marques se sont engagées dans le textile. C’est pourquoi j’ai voulu m’investir en premier lieu dans la recherche de solutions plus écologiques pour la conception des chaussures. »
« Made In China » = éco-conception ?« La réalité aujourd’hui c’est que 92% des chaussures dans le monde sont fabriquées en Chine. Travailler en Chine ne signifie pas « Mauvaise qualité » loin de là. Il y a un vrai savoir-faire dans le métier de la chaussure et le choix de matières premières recyclées est intéressant. » reconnait Guillaume Linossier.
« Avant de lancer Saola, j’ai visité plusieurs usines en Espagne pour éventuellement trouver des partenaires Made in Europe. Mais quand j’ai vu que 70% des matières premières provenaient de Chine, je me suis dit qu’il valait mieux produire directement là-bas. Je ne vois pas vraiment l’intérêt de faire fabriquer en Espagne si la majorité des matières premières viennent de Chine. »
Le deuxième argument avancé à produire en Chine concerne le prix de vente. « Fabriquer une chaussure en Chine permet de pouvoir vendre un produit dans les prix du marché autour de 80/90 €. Aujourd’hui, le consommateur n’est pas prêt à payer davantage pour un produit Made In Europe ou Made In France. Il va être sensible si le produit a été conçu en respectant davantage l’environnement mais l’achètera si et seulement si le prix est sensiblement le même. Produire une paire de chaussures en Europe pour la revendre en magasin est quasiment impossible avec cette équation-là. » résume l’entrepreneur. Mais fabriquer en Chine ne se résume pas à faire « comme tout le monde ».
« Notre démarche est d’allier design, confort et surtout éco-conception dans le développement des chaussures Saola. L’éco-conception ne se résume pas à utiliser un coton bio. C’est une démarche globale qui comprend aussi la production, la logistique, ou encore le packaging. »
Mais de quoi sont faites ces chaussures ?
La tige, c’est-à-dire la partie en textile de la chaussure, est réalisé à partir de bouteilles en plastique. « Il faut environ 3 bouteilles en plastique par paire de chaussures. La semelle intérieure est composée d’algues et la semelle extérieure est faite à 20% d’EVA recyclé. L’éco-conception est en perpétuel évolution car on peut toujours améliorer son impact sur l’environnement. Et puis, il y a l’arrivée de nouveaux matériaux produits à partir de matériaux recyclés ou naturels. »
Un engagement auprès d’associations environnementales
Pour marquer un peu plus son engagement, Saola s’engage à reverser 3% de ses ventes à des projets environnementaux. Ils s’appellent : la Surfrider Foundation, One Tree Planted, Save The Turtles. Après l’achat d’une paire Saola, l’acheteur est invité à indiquer le code présent dans la boîte sur le site internet de la marque pour choisir quelle association il soutient.
MeroMero, produits pour parents éco-responsables
Quand on est parents et amoureux de sports outdoor, on recherche forcément des produits adaptés à notre mode de vie (hyper)actif. Maman de deux enfants, Hélène s’est retrouvée dans cette situation. Après de vaines recherches, elle n’a pas trouvé de produit type « sac à langer » adapté à ses besoins. Elle a donc décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale en créant la marque MeroMero, une marque de produits ingénieux pour parents actifs. Pour cette ancienne salariée de chez Patagonia, la notion d’éco-conception était un engagement non négociable. Mais tout ne s’est pas déroulé comme elle l’aurait voulu…
La durée de vie des produits en question
L’éco-conception ne se limite pas à l’utilisation de matériaux recyclé ou d’un beau discours marketing. « Le problème aujourd’hui c’est le manque de transparence des marques » souligne Hélène. « Avec MeroMero, j’ai voulu créer des produits durables comme j’aurais aimé trouver en tant que maman responsable. À l’heure du fast-fashion, j’essaie d’intégrer la notion d’éco-conception à tous les niveaux : choix des textiles, choix des ateliers de fabrication, upcycling (ex : le matelas à langer peut se transformer ensuite en pochette d’ordinateur), etc… Pour moi, on met souvent l’éco-responsabilité sur le dos des marques mais c’est aussi de la responsabilité des consommateurs de consommer moins et mieux. C’est aussi la mission de MeroMero de sensibiliser les nouveaux parents. »
Made in Europe ou made in Asie ?Partant d’une bonne intention, Hélène a fait d’abord le choix de sourcer toutes ses matières et usines en Europe uniquement. Du moins dans une première phase de lancement…
« Le problème ce sont les coûts de fabrication en France et même en Europe. À être dans une position « extrémiste », je me suis rendu compte que ce n’était plus possible de produire en France en garantissant un prix de marché. La marque MeroMero est positionnée sur du haut de gamme mais ce n’est pas pour autant que les gens sont prêts à payer un sac plus cher parce qu’il est fabriqué en France. » Face à ce constat, il a donc fallu remettre en cause toute la réflexion initiale en conservant l’éco-conception au cœur de l’ADN de la marque évidemment !
« J’ai donc décidé récemment de faire produire les sacs au Vietnam, où les coûts de main d’œuvre sont bien moins élevés. À titre comparatif, un sac coûte 5 fois moins cher à fabriquer au Vietnam qu’en France avec les mêmes exigences de qualité ! Aujourd’hui, ces usines ont pris conscience des enjeux environnementaux et sont donc intéressées à travailler avec des « petites » marques comme MeroMero. C’est pour elles un nouveau challenge et elles évoluent très vite. Je suis persuadée que dans quelques années, ces usines-là auront rattrapé leur retard en matière de responsabilité sociale. Mais ce changement de paradigme m’a obligée également à revoir mes fournisseurs en restant bien-sûr sur des textiles les plus respectueux de l’environnement. » Preuve qu’on peut aussi faire de l’éco-conception en dehors du « made in France ». Pour conclure elle ajoute : « L’éco-conception ne s’arrête jamais et il y a toujours mieux à faire. C’est ce qui est passionnant et qui me donne l’énergie chaque jour pour faire changer les choses. »
Hopaal, la nouvelle marque de vêtement lifestyle et responsable
Si vous ne connaissez pas encore Hopaal, c’est le moment de découvrir cette marque très engagée pour l’Homme et la planète ! Fraichement lancée en 2016, la marque Hopaal veut casser les codes de la mode en proposant des vêtements 100% recyclés. En d’autres termes, les matières premières sont issues directement du recyclage. Autre engagement fort de la part de la startup désormais installée à Biarritz : elle souhaite faire du Made in France pour réduire son impact carbone comme l’indique son co-fondateur, Clément Maulavé : « Nous avons commencé à travailler en Inde suite à mon stage de fin d’étude mais nous voulons désormais nous concentrer sur la France pour la confection de nos produits. C’est évidemment plus compliqué de monter une chaîne de fabrication en France car les ateliers se sont spécialisés mais nous voulons rapprocher les lieux de fabrication du consommateur pour devenir la marque la plus « clean » possible. C’est aussi ce qui rend le challenge excitant ! »
Une distribution 100% online
Pour cette marque positionnée entre le lifestyle et le secteur outdoor, le pari du Made in France est osé mais son co-fondateur reste confiant. « Notre volonté est de devenir d’ici trois ans la marque de référence au niveau éthique. Ce qui ne nous empêche pas d’être irréprochable sur la qualité de nos produits. Le made in France est une conviction que nous partageons chez Hopaal qui nous permet de travailler avec des partenaires locaux tout en proposant un juste prix pour nos clients. Pour le moment nous vendons exclusivement en ligne mais nous n’excluons pas d’ouvrir nos propres magasins d’ici quelques années. »
Ces trois exemples illustrent parfaitement la complexité mais aussi la prise de conscience des enjeux environnementaux de la part des acteurs de l’industrie textile. De nombreuses startups comme Saola, MeroMero ou encore Hopaal, ont clairement placé l’éco-conception comme une valeur incontournable de leur marque. Une stratégie déjà initiée et réussie par Patagonia ou la marque française Picture. Si le Made in France revient sur le devant de la scène aujourd’hui, cela reste encore difficile compte tenu des prix de marché. Certaines marques comme Hopaal veulent en faire une force mais cela passe par de la vente en direct pour le moment sans passer par un revendeur. En attendant, on se réjouit de voir que l’industrie textile est en train de changer pour le plus grand bonheur de nos mers et de nos montagnes.
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