"Rêves d'Himalaya", le projet fou de Stéven Le Hyaric

Publié par Martin Reyt - -
Ancien cycliste de niveau national, Stéven Le Hyaric s'est trouvé une nouvelle voie dans l'aventure. Parcourir le monde, aller à la rencontre des populations locales et faire découvrir autrement les endroits les plus reculés de la planète, telles sont les motivations de cet aventurier en herbe. Après un voyage au Népal en 2017, il décide d'y retourner l'hiver dernier pour un projet fou : parcourir le Great Himalaya Trail en VTT, un chemin escarpé de 2000 km et 90 000 m de dénivelé positif (dont 20 cols à plus de 5000 m) ! Stéven revient sur cette aventure dans une interview exclusive…

 

1- Comment t'es venu ce projet ? Pourquoi le Népal et ce chemin ?


Mon obsession de traverser cet absolu qu’est l’Himalaya népalais et ses huit “8000 mètres” vient d’un constat assez simple. On nous rabâche les oreilles de la magnificence de l’Himalaya mais nous n’en montrons principalement que deux sommets ou massifs : l’Everest et les Annapurnas.


Je voulais donc traverser le Népal par une de ses traces les plus hautes et les plus dures : le Great Himalaya Trail et d’en montrer l’envers du décor, sa faune, sa flore mais aussi ses populations nomades et semi-nomades. Aussi, parce que c'est un des derniers territoires véritablement sauvages du monde. C'est un territoire protégé où l’homme n’a que très peu sa place. Le froid, l’altitude, le manque de nourriture, l’impossibilité de survivre pour les bêtes et les difficultés d’approvisionnement en font un des endroits les plus préservés du monde mais aussi l’un des plus hostiles. La nature y est authentique, sauvage. Au Népal, la diversité des paysages, de la faune, de la flore, est exceptionnellement riche. Dans la même journée vous pouvez passer de la montagne aux plaines en passant par des rivières, des lacs, des forêts, la jungle. Vous imaginez les écarts de températures, de -10°C à + 30°C et parfois tout ça dans la même journée ? Le corps a dû s’adapter très vite.


Au programme donc, pas loin de 2000 km, 90 000 mètres de dénivelé positif à vélo et à pied.



L'aventure de 2000 km à VTT de Stéven Le Hyaric dans un décor extraordinaire

2- Pourquoi avoir choisi le vélo comme moyen de locomotion ?


Quel plaisir de rouler sur l’impossible ! De rouler sur le ciel comme diraient certains, parfois à plus de 5500m d'altitude. Rouler au soleil, dans la neige, sous la pluie, dans la moiteur de la jungle et la sécheresse des sommets. Porter parfois 10h pour rouler une petite heure, cette petite heure d’ivresse indescriptible pour nous comme pour les populations locales.


Des populations qui pour certaines n’avaient jamais fait ni même jamais vu un “Cycle” comme ils appellent le vélo. Quelle émotion pour eux en arrivant dans les villages reculés où la nourriture et n’importe quelle fourniture arrivent sur dos de yak, d’ânes ou d’hommes.


J’arrivais donc tel un porteur, avec ma bicyclette sur le dos, le sourire aux lèvres de partager un moment d’exception avec ces populations qui pour certaines n’ont ni télévision, ni téléphone, parfois même ni maison avec les murs et les toits comme nous le concevons ici en Occident.


Elles m’ont, pour certaines, accueilli comme une divinité venue d’ailleurs, cet ailleurs où elles ne sont jamais allées. Ces rencontres m’ont à chaque fois touché et enrichi de quelque chose de nouveau.



Rencontre avec les moines bouddhistes qui découvrent le VTT

Un de mes plus beaux souvenirs niveau rencontre restera l’appel des moines bouddhistes du monastère de Lho dans la région de Manaslu. Nous voyant traverser à travers champs avec mon ami Pehuen Grotti, ils descendirent à deux, trois puis cinq, sept, puis dix moines pour nous parler dans un premier temps, puis voir nos vélos, nos visages. Après quelques minutes, je proposais à l’un d’entre eux d’essayer mon vélo. Tout sourire, il ne se fit pas prier pour prendre ma machine et en faire quelques tours sur un terrain vague situé au pied du monastère. Originaire du Bouthan (pays le plus heureux du Monde) et bien que maladroit lors de ses premiers tours de roues, ce garçon était tout sourire au volant de son nouveau jouet.


J’ai pris un plaisir dense à partager ce moment, à voir la puissance de la bienveillance, de l’ouverture et du partage avec autrui. Nous sommes ensuite montés au Monastère pour manger quelque chose et visiter l’intérieur de cette impressionnante construction très abimée lors du tremblement de terre de 2015.


 

3- Qu'est ce qui t'attire le plus dans l'aventure ? Quelle différence par rapport au sport de haut-niveau ?


J'ai toujours été à la recherche de l'aventure. Le plus gros déclic a eu lieu début 2017, lorsque je suis parti au Népal où j'ai passé 120 jours auprès des populations locales. J'y ai découvert une autre forme de spiritualité en pratiquant 20 jours de méditation silencieuse Vipassana et grimpé deux sommets à plus de 6000 mètres.. Là, j’ai compris que toute mon existence n’avait été qu’aventure et exploration. En rentrant j'ai décidé que mon chemin passerait par des sentiers moins battus que ceux que j'avais parcourus jusqu'à maintenant.



L'aventure de Stéven Le Hyaric, hors des sentiers battus

Dans le haut-niveau, j’ai connu et appris la rigueur, la vitesse, la tactique, la technique. J’ai pris un plaisir fou à aller très vite mais cette notion de performance stricte est devenue petit à petit un frein pour moi. Un frein à mon épanouissement. Je ne pensais qu’à mes résultats et à ceux des autres. Échecs après échecs, j’ai peu à peu découvert qu’un autre chemin était possible.


 

4- Où trouves-tu cette énergie quand tu pars pour 300 km dans l'inconnu ?


Je trouve justement l’énergie dans cette liberté. Pour 300 km c’est assez facile aujourd’hui. J’ai bien sûr toujours de l’appréhension mais rien à coté de ce que j’ai connu dans ma carrière vélo où je me mettais parfois beaucoup de pression.


Au programme de "Rêves d’Himalaya", il y avait pas loin de 2000 km et surtout 90 000 mètres de dénivelé positif à vélo et à pied. J’ai eu également une grosse appréhension une semaine avant de me lancer et elle a durée toute la durée du projet. On ne traverse pas des sommets à plus de 5000 m avec aisance, le vélo sur le dos, du moins pas moi...


L’énergie je la trouve aussi dans la transmission d’images de tout cela en Occident et le partage avec les populations que je rencontre. Les paysages et les moments de grâce viennent effacer toutes les souffrances endurées.



L'aventure passe aussi par des moments de doute et des surprises en découvrant le chemin

 

5- Ta plus grande peur lors de cette traversée ? Ta plus grande joie ?


Ma plus grande peur et ma plus grande joie se sont enchainées presque coup sur coup. À 10 jours de la fin de l’aventure je suis victime d’un gros coup de fatigue accompagné d’une intoxication alimentaire. Je devais tout de même avancer coûte que coûte. Là, j’ai cru que le projet était terminé et que ma santé était en grand danger.


Mon arrivée à Hilsa est pour moi le plus grand moment de bonheur de ce projet, j’aurais aimé le partager avec tout une foule, ma famille, mes amis. Là-bas, personne ne m’attendait mais j’ai pu exploser de joie avec Pehuen, mon caméraman.



Explosion de joie à l'arrivée pour Stéven Le Hyaric !

 

6- Quel message adresser aux gens qui découvrent ton projet ?


À travers mes projets, je souhaite à travers montrer que rien n'est impossible à qui s'en donne les moyens. Montrer que le sport, l’aventure ce n’est pas seulement dans les sentiers battus mais parfois en dehors. J’invite chacun de vous à partir, à découvrir et à se dépasser. Le Népal a changé ma vie il y a presque deux ans. Il vient de l’enrichir de l’une de ses plus belles pages. Alors, partez et révélez-vous en découvrant le monde. L’humain que je mets dans mes aventures vaut toutes les médailles du monde !


 

7- On fait souvent un parallèle entre aventure et entrepreneuriat...
Tes conseils à un entrepreneur avec ton expérience d'aventurier en 3 exemples concrets ?


Être entrepreneur ou aventurier c'est avant tout croire en ses convictions, en ses rêves et tout mettre en œuvre pour les réaliser. Un aventurier est donc avant tout un entrepreneur : Projet --> Préparation --> Lancement --> Prise de risques --> Décisions --> Autonomie --> Réussite / échec = un apprentissage en ressort dans les deux cas.


Si je devais donner 3 exemples simples ou plutôt 3 qualités à ne jamais oublier ce serait :




  • La RESPONSABILITÉ : pensez comme un aventurier. Vous êtes responsable d’un projet, d’une cordée. Si vous vous loupez vous êtes mort mais si vous ne tentez rien, vous ne réussirez jamais. Ayez confiance en vous !

  • La TÉNACITÉ : je suis parti de France pour le Népal alors que je n’avais pas les fonds pour faire l’ensemble du projet. Je n’ai rien lâché pour lever cet argent et réussir à financer ce projet. Par la suite, je n’ai rien lâché non plus pendant l'aventure malgré les embuches, les chutes, les maladies et les difficultés.

  • La CONFIANCE : ayez confiance en vous, personne ne peut l’avoir à votre place. L’action vous permettra de prendre confiance en ayant des échecs mais la ténacité dans ces échecs va vous permettre de comprendre que vous pouvez le faire. Ne lâchez jamais rien !


J’en ajouterai un 4ème qui me tient particulièrement à cœur :


-        La BIENVEILLANCE : pensez toujours à être bienveillant avec vous et avec les autres. Ils vous le rendront au centuple. Si ce n’est pas le cas c’est que ce n’était pas la bonne personne au bon moment.



La transmission, le partage sont au cœur du projet de Stéven Le Hyaric

 

8- Une personne qui t'inspire, aventurier ou non ? Et Pourquoi ?


J’en choisirais deux : Sylvain Tesson et Mike Horn. Sylvain Tesson pour ses idées, ses mots et son coté Rock'n'roll, Mike Horn pour son professionnalisme et sa force mentale. Il est à ce jour le seul aventurier à ma connaissance qui arrive à vivre de ses aventures de manière très correcte. Il est l’un des premiers à avoir monté un « business » modèle avec ses rêves.


 

9- Si tu avais un pouvoir magique que ferais-tu ?


J’aimerai bien voir si le monde serait plus heureux sans armes, sans guerre, sans capitalisme exacerbé. J’aimerai voir si le monde serait plus heureux si tous nos enfants pratiquaient la méditation à l’école. Si l’éducation au bonheur était aussi importante que celle des mathématiques ou de l’histoire. Mais, pour ça il faut évidemment une grosse baguette ;)


 

10- As-tu déjà prévu de repartir bientôt et si oui, où et pourquoi ?


Mon prochain projet s'intitule : 666 Project. L'idée est de fouler 6 Déserts sur 6 continents en 6 mois.

Au programme :

  • Sahara (Paris-Dakar en vélo normalement | 4 pays concernés : France, Espagne, Maroc, Mauritanie) = Vélo de route/Gravel + VTT

  • Atacama (désert le plus sec du monde) = Vélo de gravel ou VTT

  • Désert de Gobi (Mongolie) = Vélo de gravel ou VTT

  • Désert Central (Australie) = VTT

  • Désert d'Islande (Europe) = Vélo de gravel ou VTT

  • Antarctique = VTT

  • USA = optionnel car j'attends la validation d'un partenaire


6 déserts = 6 paysages spectaculaires et différents = 6 histoires différentes. Tout cela sera bien évidemment filmé et transmis en Live sur mes réseaux sociaux + un média web ou TV.


Malgré le vide relatif qu’inspire un désert, je suis sûr que chaque jour sera riche en émotions, en remise en question et nécessitera obligatoirement de s'adapter. Un désert est une zone de terre stérile et très peu propice à la vie. Je suis certain qu'il existe de la vie dans cette "non vie" et voir à quelle vitesse je peux aller en vélo dans cette absolue difficulté.



Un environnement hostile à la pratique du VTT qui oblige parfois Stéven à porter son vélo sur le dos

 

11-  Un dernier mot pour les amoureux de la montagne et de Mont Blanc Live ?


Chers amis, chers passionnés de montagnes si vous lisez cet article c’est que vous avez déjà mis un pied de l’autre côté de la barrière, que vous êtes passionnés de nature, de grand espace et de montagne. Je ne sais pas si je suis de bons conseils mais si j’avais un seul conseil à vous donner ce serait celui de continuer, de ne jamais lâcher vos rêves et d’en réaliser quelques-uns, d’aller toujours à la découverte de l’autre... De l’autre chemin, culture, montagne, personne. Tentez de nouvelles expériences, routes, manières de vous dépasser. Soyez libres, heureux de vivre un moment unique sur la montagne et faites toujours attention à vous et aux personnes qui vous entourent. Certains n’y auront jamais accès alors prenez conscience du privilège d’être en vie et ne vous arrêtez jamais de rêver.



"Soyez libres, heureux de vivre un moment unique sur la montagne" - Stéven Le Hyaric

 

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Crédits photos : Pehuen Grotti 

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