L'Ascension, un film tiré d'une histoire vraie, celle de Nadir Dendoune

Publié par Jessica Levy - -

Nadir a gravi l'Everest en 2008 sans aucune expérience ! Une histoire vraie ! Son histoire est aujourd'hui adaptée au cinéma avec le film l’Ascension, de Ludovic Bernard.
Découvrez cette incroyable histoire, véritable plaidoyer social, vécue par Nadir Dendoune en interview :


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Retrouvez la retranscription de l'interview entre Jessica et Nadir Dendoune


Nadir Dendoune : En 2008 je suis parti donc faire l'Everest alors que je n'avais jamais fait de montagne.


Jessica : Mais qu'est-ce-qui t'a pris ? Qu'est-ce-qui est arrivé dans ta tête ?


Nadir Dendoune : Ben en fait, tout a commencé en 2001 lors d'un tour du monde à vélo, je suis passé par le Népal. Et c'est quand j'étais au Népal que j'ai rencontré un gars qui s'occupait de monter des expés sur l'Everest. C'est lui qui m'a mis dans la tête que j'avais peut-être les dispositions physiques pour monter vers l'Everest, qu'il fallait que je m'entraîne pour. Donc là c'était en 2001. En 2002 je rentre en France, et là, tous les ans, il me demandait : “Ben si tu veux venir avec nous, il va falloir que tu fasses le Mont-Blanc, le Kilimandjaro pour être prêt”. Le type, il ne voulait pas que je ne fasse pas de montagne avant, c'était aussi normal, il faut un peu s'entraîner. En fin 2007 je ne travaille plus pour la boite pour laquelle je bossais. Je pars avec toutes mes primes, mais lui quand il me laisse un message en 2008 pour me dire : “Est-ce-que tu es prêt pour aller faire l'Everest ?” Il est persuadé que j'ai déjà fait le Mont-Blanc et le Kilimandjaro.


Jessica : Et tu n'as rien fait.


Nadir Dendoune : J'ai rien fait. Et il me dit : “Ben viens on y va”. Et moi, sur un coup de tête et tout ça, je me suis dis que je n'avais que de l'argent à perdre, si ça avait été trop dur je serais rentré, voilà. Donc c'était plus, pas une sorte de pari...


Jessica : Un défi pour soi-même.


Nadir Dendoune : Ouais, mais pas que ça. Derrière il y avait aussi un message politique parce que quand je suis arrivé en haut de l'Everest j'ai brandi fièrement un cœur avec écrit dessus le chiffre 93 qui est mon département de naissance où je vis toujours et je suis très fier.


Jessica: Et c'est quoi le message alors ?


Nadir Dendoune : Ben le message, c'était un peu le message qui était surtout adressé à une certaine élite qui méprise un peu ceux qui vivent de l'autre côté du périphérique et de leur dire que je sors de ma case. On ne me voit pas en alpiniste, c'est vrai pour être honnête. Et donc c'est aussi d'aller là où les gens ne m'attendent pas.


Jessica: Et une fois qu'on a gravit l'Everest, on se sent comment ?


Nadir Dendoune : Sur le coup j'ai pas vraiment réalisé. C'est quand je suis arrivé en France, c'est là que j'ai vraiment savouré. Mais c'est vrai que sur le coup, j'étais vraiment crevé que j'ai pas ressenti le truc. ça a mis en tout 2 mois parce qu'il faut monter-descendre, monter-descendre, monter-descendre. C'est vrai que quand j'arrive en haut, à 8848 mètres le 25 mai 2008, c'était tellement irréaliste qu'en fait je ne me rends pas compte. Quand je suis rentré en France, personne ne m'a cru. Si j'étais né aux Etats-Unis, tout le monde m'aurait cru. En France, on n'aime pas la réussite. Non mais c'est vrai ! C'est au bout d'un an, j'ai contacté Libération pour leur dire toute mon histoire et donc ils ont fait une double page. Après cette double page, je suis passé à sept à huit et suite à ça ils ont commencé à me croire et il y a eu ce film. Mais moi quand je suis allé faire cette montagne, je n'étais pas du tout je n'étais pas du tout dans cet état d'esprit. Je me disais que c'était très bien et ….


Jessica : Tu t'es acclimaté quand même ! Un petit peu ?


Nadir Dendoune : Non non du tout. Non je suis juste parti comme ça. Moi je pense que pour réussir l'Everest, il faut du physique, ça c'est sûr. C'est du mental aussi. Mais c'est surtout une bataille contre soi-même. Je dirais même que c'est de l'ordre du mystique un peu. Moi, ce qui m'a permis d'aller en haut c'est que j'ai accepté la souffrance déjà. Je n'ai jamais eu autant mal de ma vie, j'ai vécu les deux mois les plus durs de ma vie, c'était horrible. Et ce qui m'a permis vraiment d'aller au bout de l'Everest, c'est de n’être plus sur cette montagne. A certains moments, j'étais là avec ma mère, mes amis, j'étais ailleurs que sur la montagne. Tu ne peux pas marcher 10 heures en ayant mal si tu restes sur la montagne. Ce que je veux dire c'était un peu mystique, c'était dans le sens où j'étais pas du tout où …. Et puis même je me mentais, je me disais “plus que 15 minutes à marcher”. Tu vois ! Le truc de la méthode Coué un peu. Qu'il te reste 15 minutes, personne ne me croit. Après il y a un article dans Libé qui change tout, et c'était au même moment où j'ai envoyé mon manuscrit pour faire un livre de mon histoire. Et la maison d'édition pensait que ce n'était pas vrai, voilà ils avaient des doutes, ils pensaient que j'étais un mytho parce qu'il y avait un mec au sein du comité de lecture qui a dit que : “c'était impossible que sans expérience ce type est fait l'Everest”. Et il a fallu que je prouve que c'était vrai et ils ont envoyé un mail à l'un de mes compagnons de cordée et le mail je l'ai gardé. Ce mail dit : “Nous savons qu'il ne l'a pas fait, merci de confirmer”. Donc en fait, c'est ce que je vous disais tout à l'heure, personne ne croit. Vraiment un mal français je trouve. Et quand ce type qui était avec moi sur l'Everest a confirmé que je l'avais bel et bien fait, en plus j'avais les photos, j'ai le certificat. La maison d'édition m'a donc signé le contrat et suite à ça, je suis passé à sept à huit sur TF1 et tu as eu plein de boites de production qui m'ont appelé pour …, parce qu'ils trouvaient que cette histoire était tellement géniale qu'ils voulaient l'adapter au cinéma. Et c'est là que j'ai rencontré Laurence par le biais d'une amie en commun et il y a eu un vrai coup de foudre amical, et elle a mis 6 ans à le faire ce film. Elle avait zéro réseau et je trouve qu'il y a tous les ingrédients. Et l'histoire d'amour c'est mon idée, je voulais que cette histoire soit une histoire universelle. J'ai fait l'Everest pour ma mère. Je voulais faire une histoire d'amour pour ce film parce qu'on avait l'impression qu'il n'y a que les bourgeois qui ont le droit d'aimer dans ce monde. En banlieue, on est capable d'aimer aussi, on est des gens comme les autres. Et je voulais aussi qu'avec cette histoire d'amour où on était capable de toucher le plus grand nombre, parce que c'est universel l'amour.


Moi j'ai une dent contre une élite parisienne qui méprise tout ce qui sort de Paris, qui méprise la province, qui méprise la banlieue. Moi, en fait l'Everest c'est aussi une revanche sociale. Après je sais que c'est un discours qu'on n'aime pas entendre dans tout ça mais je m'en tamponne. Si j'ai réussi à faire l'Everest, c'était surtout parce que j'étais très en colère, parce que tu as aussi besoin d'un moteur. Je veux dire aussi que certains confrères peuvent se servir de mon parcours pour faire croire que quand on veut, on peut alors que c'est plus difficile que ça. Je pense que quand on est fils de médecin, quand on a grandit à Neuilly-sur-Seine, c'est quand même plus facile que quand on a des parents qui ne savent pas lire et écrire et quand on est né dans un quartier. En France, on n'est pas tous égaux. Mon discours c'est de dire que tu n'as plus le choix que de vouloir parce que tu es tout seul dans ta merde et que personne va venir te chercher dans ta merde.


Jessica : Merci Nadir.


Nadir Dendoune : Je t'en prie. Merci.

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